En décembre 2014, interviewé par le Financial Times, Maurice LEVY, le PDG de Publicis invente un néologisme : l’UBERISATION. « Tout le monde a peur de se faire ubériser et de subir le même sort que les chauffeurs de taxi, subitement concurrencés par les véhicules de tourisme avec chauffeur d’Uber… » dixit Maurice LEVY. Si cette nouvelle expression n’a pas encore été immortalisée par l’Académie Française, il y a de fortes chances pour qu’elle apparaisse dans la prochaine édition du Petit Larousse. En moins de 6 mois, l’Ubérisation est désormais sur toutes les bouches des dirigeants, économistes, syndicats et hommes politiques français.
La Profession d’expertise comptable n’échappe pas à cette règle et une partie de notre plénière de Genève y a d’ailleurs été consacrée. D’Ubérisation, il en sera évidemment question d’ici quelques semaines au 70ème congrès des Experts-Compables à Paris avec pour thème central, le Numérique.
A l’aube de ce rassemblement annuel des Professionnels du chiffre, interrogeons-nous sur ce que pourrait être réellement l’Ubérisation chez les Experts-Comptables ?
Car trop souvent dans votre Profession, ce phénomène de concurrence soudaine et violente n’est associé qu’à l’apparition des comptabilités en ligne et d’une façon plus générale aux offres dites Low Cost.
Il n’est pas d’article sur l’Ubérisation de la Profession qui ne cite pour seul exemple le fameux cabinet on line ECL Direct. Mais au-delà du Low Cost, l’Ubérisation est aussi :
•« Collaborative »,
•« Désintermédiation »,
•« Révolution sociale »,
•« Vecteur de satisfaction ».
Panorama des menaces réelles, potentielles ou à venir au travers de 5 hypothèses.
Hypothèse N°1 – Une économie collaborative
La multiplication des plateformes de mise en relation a fait naître une nouvelle économie dite collaborative et parfois solidaire. Pour quelques dizaines d’euros, je prête mes services de bricoleur, de chauffeur, de cuisinier… je loue mon appartement, ma tondeuse ou ma voiture.
Après les particuliers, ce phénomène touche désormais le monde de l’entreprise où chacun peut être son propre patron ou arrondir ses fins de mois tout en restant salarié.
Le chiffre d’affaires de cette nouvelle économie devrait se multiplier par 25 d’ici une petite dizaine d’années d’après PwC pour dépasser les 300 milliards d’euros. On ne peut donc pas parler de phénomène de mode ou passager !
Bien sûr, tous les métiers ne sont pas touchés, car beaucoup restent protégés par leur réglementation.
C’est le cas de la tenue de comptabilité qui ne peut être réalisée pour le compte d’entreprise à titre d’indépendant. Même si beaucoup de comptables s’affranchissent de cette réglementation, cela reste un phénomène « circonscrit ».
Si une entreprise contourne la loi en imaginant un montage juridique « astucieux » (c’est le cas par exemple d’Ornikar pour les auto-écoles et bien évidemment d’Uber pour les taxis), ou si plus simplement un assouplissement de la réglementation autorise la tenue de la comptabilité par des « bookkeeper » il y a fort à parier que nous verrons fleurir des milliers d’offres de services de tenue à bas coûts.
Beaucoup d’experts-comptables disent s’y être préparés mais il n’est pas certains qu’ils en mesurent l’impact réel.
Hypothèse N°2 – Une désintermédiation de la relation client
Aujourd’hui, vos clients sont digitalisés (tablette, smartphone,…) et reçoivent en direct des offres de logiciels de comptabilité et de gestion en ligne. Elles leur proposent des outils de pilotage et des offres utiles pour gérer leur entreprise.
Un accès direct est souvent proposé à l’expert-comptable qui devient de facto « invité » de la plateforme. Son influence s’affaiblit inéluctablement.
Imaginez par exemple que le solde de trésorerie de votre client soit tendu. La plateforme lui propose immédiatement son service de recouvrement des créances clients. En ayant la main mise sur la gestion de vos clients, ces plateformes peuvent multiplier les services et les produits additifs à l’infini !… « Pour 12€ de plus par mois, accédez à tel ou tel service… ».
Et pourquoi pas des offres de paye ou de juridique (statuts en ligne…).
Contrairement à l’hypothèse N°1, l’enjeu ne se situe plus au niveau de la comptabilité mais plutôt sur l’accompagnement de gestion, et plus généralement le Full Services comme le définit l’Ordre des Experts-comptables (conseil en gestion, financement, assurance, investissements, etc.).
Or tout le monde sait que, demain, les marges se reconstruiront avec ces services… pas avec les bilans. A l’heure des choix des outils collaboratifs, les Experts-comptables devraient exiger de leur fournisseur informatique qu’il s’interdise de « vendre directement » aux entreprises. Le cabinet doit avoir la maîtrise de la relation clients a fortiori quand il a joué le rôle de prescripteur !
Les gros cabinets l’ont bien compris. A commencer par In Extenso avec le racha